TÉMOIGNAGES – Face à un marché de l’emploi en tension, les candidats se sentent désormais en position de force pour négocier leur contrat.
Dans un marché de l’emploi sous tension, le rapport de force s’est inversé ces dernières années entre candidats et recruteurs, au grand dam de ces derniers. «Lors des entretiens d’embauche, ils donnent le sentiment de plus s’intéresser aux avantages que peut leur apporter l’entreprise, qu’au poste lui-même», déplore un patron. Depuis l’irruption du Covid-19, la question sur le télétravail est devenue classique. Reste que dans les métiers de la tech – pour ne citer qu’eux – certains conçoivent le télétravail à 100% comme une évidence, et apparaissent quelque peu désappointés lorsque ce n’est pas le cas.
Dans d’autres secteurs, ils expriment leurs besoins en matière de télétravail de façon totalement décomplexée, sans se soucier de ce qui se pratique dans l’entreprise où ils postulent. «Des cadres, partis vivre en province après la pandémie, usent de la stratégie du fait accompli. Ils arguent de cette situation pour négocier trois jours chez eux, et deux jours de présence à Paris. Ils exigent la prise en charge de leurs trajets par l’entreprise, avec un abonnement en première classe, en assurant mettre à profit ce temps de transport pour travailler», observe une directrice des ressources humaine (DRH). «Mais lorsqu’il s’agit d’un poste de direction, demander d’exercer en télétravail est dénué de sens», poursuit-elle.
Lors de l’entretien, ils se renseignent aussi sur la politique d’épargne salariale, la qualité du comité social et économique (CSE) et la durée des congés. «Certains nous demandent s’il est possible de prendre des congés de respiration, non-décomptés des vacances», témoigne un recruteur. Dans les grandes villes, et en particulier à Paris, les candidats n’hésitent pas à demander des aides au logement.
«Dans le haut du panier, il peut arriver que des personnes n’aient aucune lucidité», remarque Benoît Serre, le vice-président délégué de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Lors d’un entretien, un directeur commercial, fort présomptueux a expliqué que puisqu’il était très bon, il atteindrait forcément les objectifs fixés, et qu’en conséquence la rémunération variable prévue devait, non pas se combiner avec son salaire fixe, mais y être directement intégrée. «Ce monsieur était très satisfait de lui. Je lui ai expliqué que son discours ne passerait pas», confie le recruteur.
Ramener les candidats à la réalité
Pour Marie Hombrouck, fondatrice du cabinet de recrutement Atorus Executive, «notre rôle en tant que chasseur de têtes, c’est de ramener les candidats à la réalité et de rappeler, avec bienveillance, le rôle de l’entreprise. S’arc-bouter sur un avantage est dérisoire par rapport à l’ensemble du poste», assure-t-elle. La voiture cristallise ainsi souvent les passions. «Après avoir reçu la liste des différents modèles que nous lui proposions de choisir, un futur collaborateur m’a indiqué qu’aucun ne lui convenait. Il avait six enfants, et demandait un véhicule adapté. Je lui ai rappelé que c’était bien une voiture de fonction que la société mettait à disposition, et qu’en conséquence il n’y avait pas de modèle familial dans notre parc», relate un recruteur.
Un de ses homologues a dû user de trésors de diplomatie, et de beaucoup de patience pour expliquer à la personne retenue pour un poste important, que l’entreprise n’allait pas lui fournir une voiture de fonction avec des fauteuils en cuir rouge, couleur sur laquelle il faisait une fixation. Lorsque le poste nécessite beaucoup de déplacements à l’étranger, il n’est pas rare non plus que les candidats ne veuillent pas se contenter de la classe affaires et tentent de négocier de pouvoir voyager en première classe.
Piscine
Sous prétexte qu’il représentait régulièrement son entreprise à l’occasion de réceptions, un haut dirigeant souhaitait qu’une prime annuelle d’habillement soit incluse dans son package. «La demande était déplacée par rapport à son important niveau de salaire, et sa requête a été refusée. Quand vous gagnez 300.000 euros par an, vous devez être en mesure de vous payer vos vêtements», remarque un DRH. Plus atypique, une candidate par ailleurs adepte du triathlon, et qui s’apprêtait à rejoindre une entreprise autour de laquelle sont situés plusieurs hôtels, a expressément demandé à bénéficier d’un accès libre à l’un d’entre eux. L’établissement en question, qui n’était pas le seul à disposer d’une piscine sur le site, présentait l’avantage d’avoir une longueur de bassin qui convenait aux entraînements matinaux de la dame. Cette dernière s’est heurtée à une fin de non-recevoir. Si certains candidats ont des caprices de diva, «les cadres ont généralement, une vision assez juste de l’entreprise», tempère Marie Hombrouck.