Paru dans Village de la Justice – Septembre 2017.
Si nous connaissons tous le titre et les responsabilités du pilote d’une transformation digitale, le rôle et surtout la définition des missions de l’accompagnement juridique restent encore flous.
La légitimité du Chief Digital Officer (fonction qui a explosé en 2015) n’est plus remise en cause, et celui-ci est désormais identifié par le management comme unique pilote et principal moteur de la réussite du tournant numérique.
Mais comment est-il soutenu d’un point de vue légal ?
À l’heure où la réglementation européenne se réveille pour enfin protéger l’individu du magma numérique, où les nouvelles technologies commencent à se doter d’un cadre réglementaire, le Chief Digital Officer reconnait plus que jamais la nécessité de se faire épauler juridiquement.
Nous avons interrogé Allison Junoy Directrice Juridique Groupe de Sigfox (opérateur IoT), et Marie Hombrouck, Directrice Associée d’Atorus Executive (cabinet de recrutement spécialisé dans le management de transition) sur la nécessité de l’émergence de la fonction de Digital Legal Officer.
Selon Allison Junoy, cette fonction transversale occupée par le Chief Digital Officer doit impérativement être soutenue par « des juristes multifonctionnels qui allient une bonne connaissance de la propriété intellectuelle, des nouvelles technologies, de la donnée au sens large, mais aussi des fonctions corporate plus globales, telles que la gouvernance, la compliance ou le M&A ».
Selon Marie Hombrouck, il y a une vraie évolution dans le recrutement. Les compétences attendues il y a quelques années ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Nous recherchons des compétences techniques, hard skills, de plus en plus précises. Mais surtout la capacité de se positionner comme un projet manager, c’est à dire avoir une vision globale et des compétences transverses. Les soft skills, les capacités de communication et de gestion de projets, sont de plus en plus valorisées.
Aurait-on besoin d’un Digital Legal Officer ? Et qui est il/elle ?
Pour Allison Junoy, ce juriste généraliste senior devra accompagner le Chief Digital Officer dès le démarrage dans chacun de ses microprojets afin de valider les grandes orientations juridiques et il ou elle encadrera sur la durée une équipe de juristes et avocats aux compétences très variées.
En résumé, le Digital Legal Officer sera le copilote du Chief Digital Officer dans une transformation digitale. De ce fait, cette fonction commence à voir le jour dans certains grands groupes industriels.
Sachant que les entreprises françaises sont placées 16e en matière de digitalisation selon la Commission Européenne, il semblerait que grand nombre de sociétés n’aient pas encore entamé la digitalisation.
Qui doit accompagner les Chief Digital Officer d’un point de vue juridique ?
Selon Marie Hombrouck, la fonction de Digital Legal Officier a un réel avenir. En effet, pour beaucoup d’entreprises la technologie est acquise, mais l’aspect légal ne suit pas toujours le même chemin. Nous nous trouvons à un tournant pour les fonctions juridiques. L’arrivée de l’Intelligence Artificielle (IA) va faire évoluer nos fonctions (automatisation des contrats…).
Il est important de prendre en considération des projets de façon plus globale et d’intervenir à tous les stades du projet. Le juriste doit devenir un acteur majeur du projet au même titre que l’est le Chief Digital Officer aujourd’hui.
Vers une transversalité du domaine juridique…
L’apparition de nouvelles fonctions au sein du domaine juridique est donc inévitable et nécessaire. Nous devons amener de la transversalité dans la fonction juridique. D’ailleurs certaines entreprises attribuent au juriste de nouvelles fonctions.
Nous avons déjà eu le cas d’une SSII où les juristes intervient activement sur le contrôle des réseaux sociaux interne et externe. Pour le réseau social interne, le but est de faciliter la formation des salariés sur les questions juridiques et de fluidifier les communications internes. Pour les réseaux sociaux externe (Facebook, Linkedin, Twitter…) ce juriste épaule le Comunity Manager (personne chargée de gérer l’image de la société sur les réseaux sociaux) dans la gestion des situations de crises. Tout ceci permet un contrôle de l’image de la société et de réduire le temps d’intervention lors d’une gestion de crise en interne ou en externe. L’intervention directe du juriste dans l’ensemble du projet sera un gain de temps, d’énergie et donc d’argent pour l’entreprise.
En bref
La fonction de Chief Legal Officer est en pleine croissance de la même façon que le Chief Digital Officer. Il est clair qu’elle sera aussi importante que le Chief Digital Officer, et deviendra un pilier du tournant numérique pour l’entreprise.